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Malka Marcovich...actualité
22 janvier 2009

Libération Bordeaux

Un militant géorgien des droits de l'Homme et sa famille menacés d'expulsion

ASILE - «C’est de ma vie qu’ils décident aujourd’hui. Alors j’ai peur, mais j’espère que ça va aller bien». Salomé Sulashvili parle bien français, alors du haut de ses 16 ans c'est elle qui fait office de porte-parole pour sa famille. Ce matin, elle s’est assise entre ses parents, au premier rang dans la salle du tribunal administratif de Bordeaux qui examinait le recours déposé contre l’arrêté d’expulsion prononcé à leur encontre par la préfecture de Dordogne. Elle a entendu le commissaire du gouvernement demander au tribunal de rejeter leur demande.

Salomé est la fille aînée de Nugzar Sulashvili, 43 ans, ancien avocat, fondateur en Georgie de FCRS, une ONG de défense des droits des migrants et de lutte contre la traite des êtres humains. Il s’est réfugié en France en 2004 avec sa femme Tsira et sa fille Salomé (un garçon, Ioané, est né sur le sol français il y a trois ans) alors qu’il avait reçu des menaces de mort pour avoir, selon son avocat Gilles Piquois, «mis en cause nommément sept députés et le procureur général adjoint» géorgiens dans un trafic de visas et dénoncé la collusion entre les autorités et la mafia. La famille Sulashvili, qui vit dans un centre d'accueil à Bergerac, a vu sa demande d'asile politique refusée par l'Ofpra lors de son arrivée en 2004 puis par la Cour nationale du droit d'asile. La préfecture de Dordogne lui a ensuite refusé l’obtention d’un titre de séjour. Des rejets successifs qui ont étonné les militants de la cause des sans-papiers, tant le «cas» Sulashvili est particulier et son dossier a priori plutôt solide.

«Lors de chaque demande d’asile, une enquête est menée dans le pays d’origine, explique Odette Toulet, militante bordelaise de RESF (réseau éducation sans frontière). Il semble que la police géorgienne ait fait un rapport sur Nugzar Sulashvili affirmant qu’il faisait partie de la mafia locale. Bien sûr c’est faux, mais la corruption est très répandue là-bas». Me Piquois confirme : «La Géorgie n’est pas un Etat de droit (..) Mon client a dénoncé les agissements du procureur général adjoint géorgien. Alors il veut qu’on lui ramène Sulashvili pour le faire payer !» L’avocat s’est attaché à justifier les activités militantes de son client et les menaces dont il a déjà fait l’objet. Il a produit un document signé du rapporteur spécial de l'ONU sur la situation des droits de l'Homme en Géorgie qui évoque les activités de Nugzar Sulashvili. «Ce document atteste du travail qu’il faisait là-bas. C’est la preuve écrite qu’en 2002 il a été agressé parce qu’il était militant des droits de l’Homme», a expliqué l’avocat à l’audience. Claire Malka Marcovich, représentante de l'ONG «la Coalition contre la traite des femmes», qui finance toujours une partie des activités de l'association créée en Géorgie par Nugzar Sulashvili, est venue témoigner de son militantisme : «Je connais FCRS car je suis allée les voir travailler en Géorgie en 2005. Contrairement à ce qu’indique le rapport de la police géorgienne, l’association n’a pas été dissoute, elle existe encore, nous avons ses rapports d’activité. Et mes collègues qui étaient allés sur place quelques années avant moi avaient rencontré Nugzar Sulashvili».

Dans les couloirs du tribunal, Salomé, scolarisée au lycée à Bergerac, «élève brillante» selon un professeur venu la soutenir, raconte à ceux qui l’interrogent la tentative d’enlèvement dont elle a fait l’objet à l’âge de 11 ans. Elle exprime aussi sa lassitude : «ça me fait mal au cœur, tout ça. Mon père a sauvé des femmes de la traite, 90 au total, mais on lui dit non tout le temps. Là-bas les trafiquants sont toujours libres, rien n’a changé, alors si on y retourne… (…) Moi je voudrais continuer mes études ici et avoir une vie normale». Le tribunal administratif de Bordeaux rendra sa décision dans les prochaines semaines. L’avocat de Nugzar Sulashvili a déjà fait savoir qu’il portera l’affaire devant la Cour Européenne des droits de l’Homme en cas de rejet. SL.

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